Vacances en Irlande cet été. Après une semaine sous le ciel gris et la pluie, en manque de soleil et le moral dans les chaussettes, voici la question que m’a posé par ma belle-sœur: «Toi qui es croyante, ne pourrais-tu pas faire que le ciel s’ouvre?» Misère ! Heureusement que ce ne sont pas les croyants qui font la météo (même si j’avoue qu’à ce moment-là je n’aurais pas refusé…)! D’ailleurs, le Dieu auquel je crois ne fait pas la pluie et le beau temps! Par contre, bien souvent un miracle est un miracle parce qu’on ne sait pas comment il se réalise ; si ce n’est par la foi de celui ou celle qui le demande. Après avoir plaisanté et débattu de la question, nous avons décidé que nous ferions de notre mieux! Belle surprise le lendemain matin : le ciel bleu s’ouvrait entre les nuages, et le soleil ne nous a (presque) plus quittés pour nos derniers jours dans ce beau pays! Joli clin d’œil! Il suffisait de demander…
Au-delà de la météo de mes vacances, cette question «Ne pourrais-tu pas faire que le ciel s’ouvre?» m’a interpellée et m’a fait penser à toutes ces requêtes et ces questions parfois un peu folles qui nous habitent tous. Mais l’Évangile n’est-il pas parsemé de paroles folles? De paroles à peine croyables, à peine audibles, de paroles qui bousculent, qui bouleversent? De paroles qui vont au-delà de la raison? Pour ma part, je préfère ces paroles-là à des paroles futiles, sans fondement, sans valeur et sans effet, qui pourtant me laisseraient plus tranquille!
D’emblée, j’ai pensé à l’aveugle Bartimée (Mc 10, 46-52). Que n’aurait-il pas fait pour que ses yeux s’ouvrent et qu’il puisse voir le ciel? Quelle a été pour lui cette parole folle qui a changé sa vie ? Est-ce lorsque ses amis lui disent: «Courage, lève-toi, il t’appelle»? ou quand Jésus lui dit: «Va, ta foi t’a sauvé»? Si ces paroles-là ont sans doute compté et changé quelque chose pour lui, il me semble qu’il y a une autre parole dans ce texte, qui est peut-être la parole la plus folle. Après s’être levé et approché de Jésus, Bartimée sent que quelque chose d’important est prêt à se passer. Jésus est là, il attend. Comme rien ne se passe, il donne la parole à Bartimée: «Que veux-tu que je fasse pour toi?» Quelle question! N’est-elle pas là cette parole folle? À ce moment-là, Bartimée se demande sûrement si Jésus est sérieux : il sait bien qu’il est aveugle et qu’il attend de retrouver la vue. Pourtant, il faudra qu’à son tour il demande, en exprimant son désir profond: «Seigneur, que je retrouve la vue!» Paroles folles aussi, pour un aveugle de naissance! Or, la guérison a été à la mesure de ses paroles et de sa confiance.
«Que veux-tu que je fasse pour toi?»
Et si ces paroles folles, Jésus nous les adressait à nous aussi ? Il ne veut pas décider à notre place, alors il nous demande, il nous donne la parole. Pour moi, il n’y a pas toujours d’évidence comme pour Bartimée. Répondre à cette question «Que veux-tu que je fasse pour toi ? » me demande de l’audace et m’oblige à entrer au plus intime de moi-même. Oserai-je seulement demander? Peut-être que l’essentiel est dans cette parole que Jésus me donne, justement là, dans cet instant où j’attends et où je ne sais pas quoi dire. Dans cet instant où je n’y vois pas très clair, quand le soleil n’apparait que par intermittence. Mais Dieu est un Dieu qui ne donne pas par intermittence. Il donne et il aime sans cesse. Et si le défi était d’apprendre à demander, de prier à la mesure du cœur de Dieu?
«Seigneur, ne pourrais-tu pas faire que le ciel s’ouvre?» Le ciel de mes enfermements, celui de mes peurs et de tout ce qui assombrit ma vie et la vie dans ce monde? Ainsi, quand le ciel s’ouvre, Dieu donne son Esprit et comble nos cœurs en quête d’infini, à la mesure de son amour.
Quand Dieu nous donne la parole, n’ayons pas peur de donner une réponse folle. Je crois qu’une réponse folle vaut mieux qu’une question qui reste vaine!
— Florence Hostettler, étudiante en théologie, Genève