Référence à notre rencontre du Club Cèdres du 29.04.14 sur «Théologie de la création et spiritualité écologique» (ou écospiritualité). Une réflexion sur la compatibilité des spiritualités impliquées dans les divers courants écologistes et celle qui découle d’une théologie de la création.
Par René Blanchet
Au-delà des mesures d’ordre technique
Une unanimité toujours plus forte s’établit pour reconnaître la réalité des problèmes environnementaux et les dangers, déjà constatés ou encore inconnus, qu’ils font planer sur la vie de notre planète. Ces maux seraient cependant faciles à juguler s’ils ne correspondaient pas à une flambée consumériste de la population, à l’exploitation systématique des inégalités dans le monde de la part des plus forts, à une hypertrophie de la sphère financière, à la persistance d’une idéologie du progrès et de la croissance infinie, à la croyance que le bonheur est synonyme de bien-être matériel.
Notre conviction est donc que la prise de conscience du problème écologique et des solutions à trouver pour le résoudre ne porte pas seulement sur des mesures techniques, mais tout autant sur un nouvel ethos des hommes en société et à l’égard de la nature qui les entoure, et d’une nouvelle spiritualité à l’égard de la vie qui leur a été donnée. (Cf. le programme du Club Cèdres)
A la recherche d’une spiritualité
Les divers courants écologistes cherchent parfois leurs modèles dans les religions archaïques, qui considèrent la Terre comme une Mère à respecter et à honorer, dans des religions qui n’ont pas opéré, comme nous occidentaux, une coupure entre l’homme et son environnement naturel. Ou qui ont évité le dualisme du corps et de l’âme, théorisé de manière stricte par Descartes. Cependant, cette spiritualité s’exprime également dans les termes d’une théologie chrétienne classique ou renouvelée. « Si l’âme pouvait connaître Dieu sans le monde, le monde n’aurait jamais été créé » (Maître Eckhart).
Une donation d’existence et de vie
Dans l’esprit du public, la création est souvent comprise comme la fabrication par Dieu de l’univers et de l’homme, à l’instar d’un objet, selon une lecture superficielle des deux récits de Genèse 1 et 2. Si l’on prend en compte l’ensemble des textes bibliques, la création doit plutôt être saisie comme une donation d’existence et de vie, de laquelle le donateur ne se retire pas, mais dans laquelle il reste présent et actif. Le concept de « création continue » est connu des plus anciens théologiens. Autant il s’agit de distinguer une création contingente du Dieu transcendant qui l’a instaurée, autant il faut la considérer comme ouverte à la présence du Dieu trinitaire qui la porte et agit pour faire advenir en elle nouveauté et salut. Comme le dit Karl Barth, la création est la forme dont l’alliance Dieu-homme constitue la substance. Cette compréhension ouvre à une histoire évolutive, dynamique, dans laquelle la nature a aussi sa place et son destin.
Une écospiritualité
Une spiritualité chrétienne préoccupée par la crise écologique proposera une double attitude, passive et active.
Passive: reconnaître la profondeur transcendante de toute vie et de la réalité naturelle, respecter son caractère de don, son origine qui nous échappe, son mystère irréductible, en dépit de notre pouvoir sur elle. S’émerveiller de l’excès qu’elle recèle, et que le chrétien interprète comme « grâce » de Dieu. L’écouter, plutôt que lui imposer notre désir d’accaparement.
Active: il s’agit de réapprendre à renoncer, à choisir son camp, à apprécier l’équilibre et la mesure, à se réapproprier la disponibilité que donne la sobriété. Les Béatitudes dessinent ici la voie parfaite, heureuse, qui promet le Royaume. Une autre ligne ouvre sur la coopération, l’entraide, la solidarité, pour contrebalancer la concurrence à but égoïste.
Cette spiritualité est-elle hostile au progrès, notamment scientifique ? Non, car sur la base de la foi en une « création continue », elle admet que le monde est en évolution, en « procès » et nécessite un effort de connaissance toujours renouvelé.
Illustration: rAmmoRRison CC by-nc
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