D’une certaine manière, John Shelby Spong est à la théologie ce que Joël Dicker est à la littérature: un auteur prolifique dont les ouvrages sont imprimés à des centaines de milliers d’exemplaires sans que l’on sache trop pourquoi. Un phénomène d’édition qui ne laisse pas d’intriguer.
Le Dr Spong est né en Caroline du Nord en 1931. Ancien évêque épiscopalien, théologien libéral, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages dont un seul, à ce jour, a été traduit en français sous le titre Jésus pour le XXIe siècle (Editions Karthala). De nombreux textes de Spong ont cependant été publiés dans une traduction française sur le site de Gilles Castelneau, Protestants dans la ville.
La théologie de Spong n’a rien de révolutionnaire, ni même d’original. Elle consiste tout simplement en une reformulation des thèses centrales du protestantisme libéral ou plus précisément « progressiste » dans le contexte américain. C’est précisément cette absence d’originalité de la théologie de Spong qui interpelle le lecteur. On a l’impression d’un auteur qui enfonce des portes ouvertes. Laurent Gagnebin a longuement interviewé J.S. Spong et l’enregistrement est disponible sur le site Fréquence protestante.
L’écriture de Spong est agréable et ses oeuvres se distinguent avec bonheur de ces bouteilles à l’encre de beaucoup de nos théologiens de langue française plus soucieux d’étalage académique que de véritable communication. Et il faut lui en savoir gré. En revanche, le lecteur n’apprend rien qui n’ait déjà été dit et redit depuis des décennies par les théologiens libéraux: la mort de la conception théiste de Dieu, le rejet du littéralisme biblique et de la christologie traditionnelle, le refus de l’interprétation sacrificielle de la croix, de l’historicité de la naissance virginale, de la résurrection ou de l’ascension, l’absurdité de la thèse mythiste et la réduction du prophète de Nazareth à sa seule humanité, etc. Tout au plus relève-t-on chez Spong une affirmation plus appuyée de l’inadmissibilité de toutes les discriminations, sexuelles en particulier.
L’ancien archevêque de Canterbury, Rowan Williams, et Gerald O’Collins, professeur à l’Université pontificale grégorienne, ont, chacun à sa manière, tenté de démolir l’image médiatique de John Shelby Spong; « ses thèses ne représentent pas un univers chrétien défendable ou même intéressant», écrit le premier, tandis que le second recommande à l’archevêque américain de « laisser de vrais experts examiner son prochain livre avant publication ».
Jacques Herman