Par René Blanchet
Les banques font d’énormes efforts, paraît-il, pour adapter leur organisation et leur stratégie aux nouvelles exigences, restrictives, du législateur. Nous imaginons sans peine, en effet, le dur travail auquel s’adonnent, dans leurs bureaux, les cadres, les juristes et jusqu’aux programmeurs, pour qu’au final le plus grand écart possible soit trouvé entre la lettre et l’esprit de la loi !
Peut-on moraliser la finance ? Certains en doutent, comme le philosophe André Comte-Sponville, qui considère ce secteur comme un système foncièrement a-moral et dont le fonctionnement ne peut être guidé que de l’extérieur, par les décrets de l’Etat. D’autres sont plus conciliants, estimant que la finance a pour but, en principe, de servir la société et qu’on peut trouver, à l’intérieur des entreprises, à tous les échelons, des personnes responsables, conscientes de la nécessité de choisir entre ce qui est bien ou mal.
Calvin nous aidera peut-être à trancher entre ces deux opinions ; il n’avait évidemment pas prévu la crise actuelle, mais se préoccupait déjà des valeurs à observer en matière économique. Il écrivait ceci : «Notons que si les hommes tâchent de s’enrichir par un moyen mauvais et illicite, c’est comme si on arrachait des bornes. Si les poids et mesures sont fausses… on ne pourra ni acheter ni vendre; les hommes seront comme des bêtes sauvages entre eux. Si la monnaie n’est pas loyale, il s’ensuit que tout sera volerie et brigandage. Ainsi, notons que, non sans cause, Dieu a commandé que les limites soient tenues, montrant qu’il nous faut soigneusement observer ce que nous connaissons être nécessaire pour maintenir l’état public et l’humanité entre les hommes. »
Le réformateur souligne qu’un cadre juridique est indispensable à la réalisation des échanges économiques et au maintien de la paix sociale, plus encore, de l’humanité. Il incombe à tous les hommes d’observer les limites et les règles que s’est donnée la société. Il en résulte que le système financier ne peut constituer une bulle qui permettrait à ses employés ou à ses usagers de passer par-dessus ces limites. L’actualité montre que ces débordements ont eu lieu et ont encore lieu à très grande échelle et qu’hélas le pouvoir politique peine à se convaincre que la justice doit être la même pour tous.
Peut-on moraliser la finance ? Pour Calvin, cela semble être une nécessité. Il y a des limites qui doivent êtres tenues par tous et aucun système, fût-il financier, ne doit pouvoir s’y soustraire.